“C'est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c'est notre regard aussi qui peut les libérer”, écrit Amin Maalouf

 

 

 

Amin Maalouf, par cette phrase, tirée de son essai  les identités meurtrières,  publié en 1998,  dans lequel  il soumet, tout en la revisitant, la notion d’identité à une analyse critique, propose une relecture de cette notion planant au de-là de la vision réductrice généralement admise comme norme et qui constitue le point de départ de toute discrimination. L’identité d’une personne ne peut simplement se définir par rapport sa nationalité, sa langue, sa religion, son appartenance à un groupe sociale déterminé. Car une telle définition revient à enfermer l’autre  dans une sorte d’intégrisme identitaire, du moins dans l’affirmation de sa seule identité, à nier les autres dimensions de l’être qui font de lui ce qu’il est et façonne son existence, comme par exemple, les habitudes, les valeurs nées au contact des gens habitant les mêmes lieux de résidence, fréquentant les mêmes centres sportifs, ayant en partage la même langue nationale ou adoptée, des centres d’intérêts qui permettent de construire d’un espace identitaire commun.

 

 

 

      Amid Maalouf invite à avoir sur l’autre un nouveau regard qui tienne compte du fait qu’il soit le fruit d’une somme d’expérience, d’une histoire dont il est porteur, que certaines représentations de cette histoire sont partagées par les membres de la société accueillante, un regard qui le libère, le valorise en tant qu’être. De ce fait,  le recours à cette variété d’appartenances composant l’identité permet de forger notre regard à l’abri des dérives identitaires qui consistent en la négation de l’autre, de décider, comme l’écrit Amartya Sen, de l’importance relative à donner à chacun de ses composantes dans contexte donné .

 

 

 

        Cette citation de d’Amin Maalouf a toute son importance à un moment où la question identitaire se pose, depuis le 11 Septembre 2011, dans les sociétés occidentales, et particulièrement au Québec sous forme d’assise autour des accommodements raisonnables, avec beaucoup plus d’acuité. Ce débat sur l’identité nationale, qui devrait, en principe, être porté, sur la transformation des identités nationales entraînée, dans une certaine mesure, par l’ouverture de  ces sociétés à de nouvelles valeurs, est littéralement altéré en ne prenant pour cible que l’autre, en le soumettant à la menace d’un stéréotype, souvent négatif, attaché à sa communauté d’origine. Cette forme de pathologie identitaire aggravée par la crise économique, conduit à une amplification des clivages qui, faisant place à une fermeture progressive de ces sociétés, remet en cause les compromis, patiemment construits, destinés à faire bénéficier des vertus de la diversité, consécutive à la présence de l’autre,  pourvu que cette diversité fasse corps et se reconnaisse dans les principes unificateurs de la société d’accueil.    

 

 

 

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